samedi 9 août 2014

Dans la cour de la grande mosquée de Kairouan

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Kairouan est le centre religieux du pays mais n'est pas pour autant livré à l'extrémisme, en tout cas pas à la grande mosquée. Si les salafistes ont réclamé l'application de la charia en occupant en mai 2011 les abords d'une mosquée de Kairouan, à l'initiative d'Abou Iyadh, responsable de l'organisation terroriste Ansar al-Charia, Houcem m'a précisé que c'était à l'extérieur de la médina, pas à la Grande Mosquée.

Houcem a néanmoins quelques difficultés à me faire accéder à la cour, le personnel de la mosquée s'interposant à l'approche d'un éventuel  infidèle, mais reçoit bien vite l'assistance de son père, Brahim, et de l'un de ses amis, Ahmed. On est vendredi, il y a beaucoup de mariages,  le personnel est un peu nerveux.

Une discussion en arabe s'engage et mes accompagnateurs rappellent les sourates du Coran qui incitent au respect des religions du livre (l'ancien testament, reconnu par l'islam), et après moult palabres, j'ai le droit de rentrer dans la cour, avec des excuses et des formules de bienvenue.

Brahim et Ahmed sont tout deux vétérinaires et engagés à gauche. Ils ne participent pas à la prière et manifestent leur confiance dans le destin de leur pays, en désignant autour de nous les merveilles qu'il a déjà su produire.


A condition toutefois que les puissances pour qui la Tunisie n'est qu'une pièce dans un jeu politique plus global lui laissent trouver sa voie, ce qui n'est pas évident pour mes interlocuteurs, ni pour la plupart des personnes que nous rencontrons.

Un Tunisien pieux, portant la zébiba sur le front (une marque foncée sur la peau provoquée par des prosternations fréquentes sur le tapis de prière) revient discuter avec Brahim et Ahmed. "Ils parlent histoire et islam", m'indique Houcem alors que nous allons boire de l'eau à la fontaine, "mais je ne comprends pas tout ce qu'ils disent. C'est un dialogue entre l'extrême droite (Ennahdha en l'occurrence) et l'extrême gauche". Ahmed soutient en effet le Front de Gauche tunisien, dont deux leaders ont été assassinés en 2013. La condamnation politique modérée des assassinats par Ennahdha, alors au pouvoir, a déclenché un grand émoi en Tunisie.

Ahmed prend souvent un air espiègle qui traduit sans doute un peu de moquerie (je vois Brahim le retenir plusieurs fois en lui tirant l'épaule), mais tout reste calme, même si l'homme pieux, manifestement d'origine modeste, ne sourit pas.

Ahmed me dira plus tard que tout le monde a le droit de vivre et d'exprimer son opinion dans ce pays, intégristes compris, sans se fâcher pour autant.
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