vendredi 15 août 2014

Du caractère dionysiaque de la révolution

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Précisons-le tout de suite les excès dionysiaques n'ont pas cours ici, au contraire. La victoire d'Ennahdha aux premières élections a même fait redécouvrir la piété ou ses apparences à beaucoup de Tunisiens. On voit le voisin aller à la mosquée alors qu'il y a quelques années il fréquentait surtout les cafés à l'heure de la prière. La cousine ne quitte plus son hijab alors qu'auparavant on la voyait toujours cheveux au vent.

Mais ces mesures de précaution vont de pair avec un relâchement important de la vie en société. Selon plusieurs de nos interlocuteurs, la révolution aurait aussi décomplexé beaucoup de Tunisiens. C'est par l'anomie, cet effondrement des normes, que l'on retrouve Dionysos.

C'est ainsi que pour l'environnement, dont les politiciens ont baptisé beaucoup de boulevards, faute de véritablement agir, il nous a été souvent dit, quand nous nous étonnions du vagabondage des détritus, y compris dans les sites très touristiques comme Sidi bou Saïd : "Ah mais avant la révolution ce n'était pas comme cela". D'abord par ce que les Tunisiens ne recherchent même plus la poubelle. Ensuite par ce que les services publics seraient moins performants, et que toutes les petites mains de proximité, auparavant rétribuées pour espionner les voisins par un État policier, ne seraient plus payées.

La révolution a quand même le dos un peu large. Houcem a lui indiqué que le problème était culturel : "Tu roules dans ta voiture et tu as fini ta bouteille de soda ? Mais jette-là par la fenêtre !" (Et nous avons vu des voyageurs le faire) Pour lui ce n'est même pas un problème de traitement des déchets, il y a des infrastructures. Les Marocains ayant exactement le même problème, l'aspect culturel est certainement dominant. Il s'agit là d'un enjeu lourd pour les générations à venir.

Pour revenir à la révolution, celle-ci expliquerait aussi l'aggravation du comportement des Tunisiens sur la route et l'emballement des constructions sauvages. Sur un terrain que Leïla et Zoubeir possèdent près de Bizerte, un voisin, juge de profession, a ainsi construit, sans s'embarrasser le moins du monde de vérifications ni de règlements.

Il en va ainsi de la révolution tunisienne : celle-ci prend la voie de l'anomie dionysiaque, la démocratie est assimilée à l'anarchie, et certains se demandent déjà comment le pays va s'en sortir sans régime fort, capable de faire respecter les lois.


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