Nous décidons de quitter Ksibat définitivement avec un jour d'avance pour Tunis, où Leïla et Zoubeir ont libéré une pièce de leur somptueuse villa pour nous accueillir la dernière nuit.
En effet Mariem ne s'avère pas disponible comme prévu aujourd'hui. Elle se repose de tous ces événements astreignants, et goûte enfin ses premiers moments d'épouse, c'est bien naturel.
Nous décidons donc de revenir à Tunis en passant par Kairouan et Dougga, l'une des plus belles villes romaines de Tunisie. Cela fait un détour important par les montagnes, mais Google Maps nous a fait une estimation de temps de trajet qui nous met en confiance.
Nous nous arrêtons donc sur le trajet voir à Kairouan la grande mosquée (depuis la terrasse d'une coopérative artisanale, car l'entrée est réservée aux musulmans l'après-midi).
A l'avant plan on voit les tombes d'une unique famille saoudienne. En effet nous apprenons que Kairouan serait la quatrième ville sainte de l'Islam, derrière La Mecque, Médine et Jerusalem.
Pour une fois Anne arrive à décliner les avances des marchands de tapis, qui sans rancune lui avoueront quand même qu'elle est belle comme 30 000 chameaux (pourrais-je finalement espérer un retour sur investissement ?), et nous filons vers les bassins des Aghlabides.
Puis nous visitons le mausolée du compagnon du Prophète. Celui-ci a été tué lors d'un combat contre les Byzantins, et a été enterré sur place. Il portait toujours sur lui des cheveux du Prophète, d'où son surnom de barbier.
Le mausolée est très visité et fréquenté par les croyants sollicitant officieusement son intercession. En effet chaque musulman est censé s'adresser à Allah sans intermédiaire, ce qui explique les destructions de tombeaux de marabouts par les milices armées salafistes, vaguement rigides sur la question.
L'architecture est élégante, parée de zelliges, mais nous serions bien en peine d'y déceler ce qui date du VIIIème siècle. Peut être la salle du tombeau dans laquelle nous n'avons pas le droit de rentrer ?
Puis nous entamons la longue route transversale vers Le Kef et Dougga. L'altitude grimpe lentement dans des paysages au relief assez doux et plus verdoyants.
Il n'y a presque plus personne sur la route, longtemps très bonne. La traversée des montagnes vaut vraiment le coup, mais nous réalisons que Google n'a jamais envoyé de voiture par ici. Le temps s'allonge démesurément.
Sur la fin nous prenons un raccourci sur une route plus étroite, parsemée de trous et parfois interrompue de gués. Nous croisons aussi beaucoup de troupeaux de moutons et de charrettes. Anne a pris le volant il y a une demi-heure pour que je fasse la navigation et elle commence à en avoir assez de cette expédition. Nous savons maintenant que nous arriverons à peu près quand le site fermera.
Pour égayer l'atmosphère, je retrouve une reproduction d'icône roumaine dans mon portefeuille que je fixe sur le rétroviseur central afin de nous porter chance. Je la retire prestement dès que nous croisons du monde en roulant des yeux effrayés, et cela suffit pour égayer mon public.
Mais à 19h les portes du site sont bien fermées quand nous nous pointons devant. Nous décidons de la jouer à la tunisienne et d'appliquer les méthodes enseignées par Zoubeir lors de notre visite de Sidi Bou Saïd. Les femmes partent faire les pleureuses devant le gardien, et le supplient de nous laisser rentrer.
- La caisse est fermée
- Pas grave, ce sera pour vous
- Bon d'accord mais que le théâtre alors
- le Capitole aussi s'il vous plaît, nous avons fait six heures de route et ce soir nous devons encore aller à Tunis, on ne pourra pas revenir !
Finalement il accepte. Il doit nous prendre pour des fous.
Nous rentrons sur le site, qui domine la vallée, dans les dernières lueurs du jour. Quelques petites gouttes annoncent les gros orages qui zébreront la nuit d'éclairs une heure plus tard.
En attendant nous expédions la visite. Malgré ces conditions peu optimales, la vision du Capitole, que nous avons largement eu l'occasion de préparer dans la voiture par des lectures du guide vert à voix haute, est un moment très émouvant, surtout dans le silence et la demi-obscurité. Nous avons l'impression de nous promener dans un tableau d'Hubert Robert, peintre de ruines.
Le Capitole est hautement dressé sur les colonnes monolithes de son portique, presque entièrement préservé.
Nous courrons arpenter le forum, avant de tenter de convaincre notre guide improvisé d'aller jusqu'au mausolée lybico-punique, mais il est un peu trop excentré pour qu'il accepte.
D'ailleurs la nuit tombe très rapidement, et nous retournons vers la voiture, à la fois ravis et confus de notre visite exprès.
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