Venus à Monastir sur les conseils de l'une de ses habitantes, pour qui le souvenir de la ville incorpore à coup sûr la nostalgie des rencontres de sa jeunesse, nous sommes plutôt déçus par ce que nous découvrons.
Monastir s'est fait charcuter par Bourguiba, qui en est originaire, ainsi que par l'industrie touristique. Il n'y a plus vraiment de médina, et nous n'avons pas su découvrir les charmes de la ville moderne.
Nous croisons beaucoup de touristes en petite tenue dans les rues, dont quelques spécimens bien replets en bikini, qui exposent abondamment leur couleur de peau écarlate.
Nous observons les manœuvres d'approche du port par un promène-couillons grimé en bateau pirate. Nous en reverrons plusieurs à Sousse et Port El Kantaoui (une station banéaire en carton pâte située au nord).
Faisons preuve d'optimisme et considérons que ce travestissement renvoie à l'époque où l'économie de la Tunisie vivait surtout de la course, après que Barberousse eut transmis son expérience aux descendants des phéniciens. Les marins tunisiens arraisonnaient alors tout ce qui passait à leur portée.
Le bateau pirate est l'embarcation qui navigue le plus par ici, si on excepte les boat-people chargés de migrants clandestins qui s'échouent régulièrement sur l'île italienne de Lampedusa, à environ 60 miles des côtes tunisiennes, quand ils n'ont pas sombré avant.
Le bateau-pirate est amarré, le ribat a l'air factice et est de toute façon fermé pour travaux, les heures de visite des mosquées sont passées, il n'y a plus guère que le mausolée de Bourguiba pour nous occuper.
Celui-ci est situé en bordure du cimetière, qui donne lui-même sur la mer. Les cimetières musulmans sont marins dès qu'ils le peuvent, nous avions déjà remarqué cela à Rabat.
Sur les portes du mausolée est inscrit sur le vantail de droite : "Au grand leader, père de la nation, libérateur de la femme", d'après le guide qui nous fera visiter le bâtiment. Bourguiba a en effet fait adopter un code du statut personnel qui demeure toujours un des plus avancés du monde arabe.
Le mausolée a été en partie construit grâce aux dons en espèce ou en nature de plusieurs pays, dont l'Italie (pour le marbre) et le Maroc.
Personnellement je préfère le mausolée de Mohamed V et Hassan II à Rabat, mais chacun ses goûts.
Le mausolée abrite une petite collection d'objets personnels ainsi que des photos mettant en scène des rencontres avec d'autres leaders, dont une partie (Saddam, Mouammar...) a eu une fin moins enviable que Bourguiba, seulement victime d'un coup d'Etat médical par son premier ministre Ben Ali.
En attendant l'heure du train Anne achète des babouches pour Anouk à un jeune Tunisien entreprenant, pendant que je discute avec son collègue resté à l'ombre d'un mur.
Je lui demande comment vont les affaires et il fait une moue de dépit. Il m'explique que si les touristes sont revenus, "ce ne sont plus les mêmes races". Il y a moins de Français et d'Allemands, beaucoup de Russes et de Polonais. "Avec eux ce n'est pas la même chose. Ils ne sont pas agréables. On ne parle pas la langue, c'est dur pour faire des affaires, ils n'achètent pas beaucoup." Je m'étonne en évoquant la richesse des parvenus russes, mais il a un petit rire et s'exclame : "Les riches ils ne viennent pas en Tunisie, il y a beaucoup mieux pour eux ailleurs."
<< >>
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire