dimanche 7 septembre 2014

Bienvenue sur le blog !

J'ai tenu ce blog lors d'un voyage en Tunisie réalisé en août 2014 à l'occasion des noces de Mariem et Hamza.

Ce voyage réalisé en dehors des chemins balisés de l'industrie touristique a été l'occasion de nombreuses rencontres passionnantes, dans un pays qui croit encore à la politique, a lancé le printemps arabe et est un des seuls à vivre encore une expérience démocratique.

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Bonne lecture et n'hésitez pas à aller redécouvrir la Tunisie !

dimanche 17 août 2014

Dernière journée à Tunis avec Leïla et Zoubeir avant de reprendre l'avion

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Délicieuse dernière journée avec Leïla et Zoubeir, avec qui nous nous promenons dans la médina de Tunis, en quête d'un restaurant. Finalement tout s'avère fermé ce lundi mais la promenade est très agréable dans la vieille ville coquette, beaucoup plus calme que Sidi bou Saïd.

Nous retrouvons quelques souvenirs d'un voyage plus ancien, mais nous ne nous rappelions pas la médina était aussi belle et sereine.


Finalement nous emmenons nos hôtes déjeuner dans un restaurant donnant sur le port de La Goulette. Encore un moment très agréable avec deux personnes qui savent apparemment prendre la vie du bon côté, sans rien renier de leur engagement dans la cité. Une belle rencontre et un beau voyage très enrichissant.

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samedi 16 août 2014

Une visite archéologique à la tunisienne

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Nous décidons de quitter Ksibat définitivement avec un jour d'avance pour Tunis, où Leïla et Zoubeir ont libéré une pièce de leur somptueuse villa pour nous accueillir la dernière nuit.

En effet Mariem ne s'avère pas disponible comme prévu aujourd'hui. Elle se repose de tous ces événements astreignants, et goûte enfin ses premiers moments d'épouse, c'est bien naturel.

Nous décidons donc de revenir à Tunis en passant par Kairouan et Dougga, l'une des plus belles villes romaines de Tunisie. Cela fait un détour important par les montagnes, mais Google Maps nous a fait une estimation de temps de trajet qui nous met en confiance.

Nous nous arrêtons donc sur le trajet voir à Kairouan la grande mosquée (depuis la terrasse d'une coopérative artisanale, car l'entrée est réservée aux musulmans l'après-midi).


A l'avant plan on voit les tombes d'une unique famille saoudienne. En effet nous apprenons que Kairouan serait la quatrième ville sainte de l'Islam, derrière La Mecque, Médine et Jerusalem.

Pour une fois Anne arrive à décliner les avances des marchands de tapis, qui sans rancune lui avoueront quand même qu'elle est belle comme 30 000 chameaux (pourrais-je finalement espérer un retour sur investissement ?), et nous filons vers les bassins des Aghlabides.


Puis nous visitons le mausolée du compagnon du Prophète. Celui-ci a été tué lors d'un combat contre les Byzantins, et a été enterré sur place. Il portait toujours sur lui des cheveux du Prophète, d'où son surnom de barbier.

Le mausolée est très visité et fréquenté par les croyants sollicitant officieusement son intercession. En effet chaque musulman est censé s'adresser à Allah sans intermédiaire, ce qui explique les destructions de tombeaux de marabouts par les milices armées salafistes, vaguement rigides sur la question.

L'architecture est élégante, parée de zelliges, mais nous serions bien en peine d'y déceler ce qui date du VIIIème siècle. Peut être la salle du tombeau dans laquelle nous n'avons pas le droit de rentrer ?



Puis nous entamons la longue route transversale vers Le Kef et Dougga. L'altitude grimpe lentement dans des paysages au relief assez doux et plus verdoyants.

Il n'y a presque plus personne sur la route, longtemps très bonne. La traversée des montagnes vaut vraiment le coup, mais nous réalisons que Google n'a jamais envoyé de voiture par ici. Le temps s'allonge démesurément.

Sur la fin nous prenons un raccourci sur une route plus étroite, parsemée de trous et parfois interrompue de gués. Nous croisons aussi beaucoup de troupeaux de moutons et de charrettes. Anne a pris le volant il y a une demi-heure pour que je fasse la navigation et elle commence à en avoir assez de cette expédition. Nous savons maintenant que nous arriverons à peu près quand le site fermera.

Pour égayer l'atmosphère, je retrouve une reproduction d'icône roumaine dans mon portefeuille que je fixe sur le rétroviseur central afin de nous porter chance. Je la retire prestement dès que nous croisons du monde en roulant des yeux effrayés, et cela suffit pour égayer mon public.

Mais à 19h les portes du site sont bien fermées quand nous nous pointons devant. Nous décidons de la jouer à la tunisienne et d'appliquer les méthodes enseignées par Zoubeir lors de notre visite de Sidi Bou Saïd. Les femmes partent faire les pleureuses devant le gardien, et le supplient de nous laisser rentrer.

- La caisse est fermée
- Pas grave, ce sera pour vous
- Bon d'accord mais que le théâtre alors
- le Capitole aussi s'il vous plaît, nous avons fait six heures de route et ce soir nous devons encore aller à Tunis, on ne pourra pas revenir !

Finalement il accepte. Il doit nous prendre pour des fous.

Nous rentrons sur le site, qui domine la vallée, dans les dernières lueurs du jour. Quelques petites gouttes annoncent les gros orages qui zébreront la nuit d'éclairs une heure plus tard.

En attendant nous expédions la visite. Malgré ces conditions peu optimales, la vision du Capitole, que nous avons largement eu l'occasion de préparer dans la voiture par des lectures du guide vert à voix haute, est un moment très émouvant, surtout dans le silence et la demi-obscurité. Nous avons l'impression de nous promener dans un tableau d'Hubert Robert, peintre de ruines.


Le Capitole est hautement dressé sur les colonnes monolithes de son portique, presque entièrement préservé.

Nous courrons arpenter le forum, avant de tenter de convaincre notre guide improvisé d'aller jusqu'au mausolée lybico-punique, mais il est un peu trop excentré pour qu'il accepte.

D'ailleurs la nuit tombe très rapidement, et nous retournons vers la voiture, à la fois ravis et confus de notre visite exprès.

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Enfin fini avec les mariages ?

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Il est vrai que cela commence à faire beaucoup : outre le mariage de Mariem, depuis dix jours nous profitons largement de ceux de Ksibat, et des convois de voitures circulant en warning dans les rues, déjà passablement obstruées à l'état normal.

Ce soir c'est notre tour : nous rejoignons la mariée dans l'appartement de sa mère, attendons que le marié vienne la chercher, et partons tous ensemble en convoi clignotant et klaxonnant vers la fête, qui se déroule dans un hôtel.

Nous attendrons deux heures dans l'appartement que le marié se présente. C'est long mais cela nous permet d'être avec la proche famille dans un cadre plus intime, et de continuer à échanger avec nos hôtes si accueillants. Nous prenons des photos plus facilement des toilettes très différentes que ces dames ont revêtues pour l'occasion. Cela va de la robe brodée et garnie de voiles (en vert Leïla, la maman de Mariem) à la mini jupe à paillettes flashy.




Les femmes continuent à beaucoup s'occuper de la mariée et l'éventent tout en échangeant des plaisanteries. C'est ce soir que Mariem est la plus belle à mon avis.


Pendant ce temps plusieurs hommes discutent politique avec Kaïs le polytechnicien. Enfin il y a surtout lui qui parle, en arabe parsemé de mots de français. J'entends par exemple "génération sacrifiée", mais impossible de savoir s'il s'agit de la France ou de la Tunisie. J'aimerais bien écouter ce qu'il dit mais finalement je préfère rester en compagnie des femmes et prendre d'autres photos (ici Taos).

Finalement Hamza arrive, avec le caméraman et le photographe, et vient se mettre à côté de Mariem. Ils boivent un jus d'orgeat qu'ils finissent par échanger, puis nous partons tous en convoi vers l'hôtel.


Là, dans une immense salle des fêtes, nous retrouvons les autres invités assis autour de grandes tables rondes, devant une scène tendue de voiles blancs. Il est 23h. Mariem et Hamza vont s'asseoir sur un canapé théâtral installé sur l'estrade, et l'orchestre commence à jouer extrêmement fort.


Les invités vont féliciter les mariés par petits groupes, pendant que d'autres dansent. On nous sert des jus de fruits et quelques petits gâteaux tunisiens.

Puis vers minuit nous chantons joyeux anniversaire à Mariem dans quatre langues (arabe, français, anglais et allemand). Anouk monte sur l'estrade pour lui remettre nos cadeaux (dont une chemise de nuit affriolante qui ne sera heureusement pas déballée) et les dessins qu'elle a faits pour eux.

Au bout de quelques temps nous battons retraite devant la salle pour préserver nos oreilles, et nous plaisantons un peu avec nos nouveaux amis. Tout se finit assez rapidement, et vers 1h du matin nous commençons le périlleux retour de nuit de Kairouan vers Sousse.

Cette fois nous auront droit à un camion sans feux arrières, en plus de l'habituelle motocyclette surchargée et non éclairée. Heureusement nous avons conservé le nez développé en Roumanie et les détectons assez tôt à l'odeur.

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vendredi 15 août 2014

Du caractère dionysiaque de la révolution

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Précisons-le tout de suite les excès dionysiaques n'ont pas cours ici, au contraire. La victoire d'Ennahdha aux premières élections a même fait redécouvrir la piété ou ses apparences à beaucoup de Tunisiens. On voit le voisin aller à la mosquée alors qu'il y a quelques années il fréquentait surtout les cafés à l'heure de la prière. La cousine ne quitte plus son hijab alors qu'auparavant on la voyait toujours cheveux au vent.

Mais ces mesures de précaution vont de pair avec un relâchement important de la vie en société. Selon plusieurs de nos interlocuteurs, la révolution aurait aussi décomplexé beaucoup de Tunisiens. C'est par l'anomie, cet effondrement des normes, que l'on retrouve Dionysos.

C'est ainsi que pour l'environnement, dont les politiciens ont baptisé beaucoup de boulevards, faute de véritablement agir, il nous a été souvent dit, quand nous nous étonnions du vagabondage des détritus, y compris dans les sites très touristiques comme Sidi bou Saïd : "Ah mais avant la révolution ce n'était pas comme cela". D'abord par ce que les Tunisiens ne recherchent même plus la poubelle. Ensuite par ce que les services publics seraient moins performants, et que toutes les petites mains de proximité, auparavant rétribuées pour espionner les voisins par un État policier, ne seraient plus payées.

La révolution a quand même le dos un peu large. Houcem a lui indiqué que le problème était culturel : "Tu roules dans ta voiture et tu as fini ta bouteille de soda ? Mais jette-là par la fenêtre !" (Et nous avons vu des voyageurs le faire) Pour lui ce n'est même pas un problème de traitement des déchets, il y a des infrastructures. Les Marocains ayant exactement le même problème, l'aspect culturel est certainement dominant. Il s'agit là d'un enjeu lourd pour les générations à venir.

Pour revenir à la révolution, celle-ci expliquerait aussi l'aggravation du comportement des Tunisiens sur la route et l'emballement des constructions sauvages. Sur un terrain que Leïla et Zoubeir possèdent près de Bizerte, un voisin, juge de profession, a ainsi construit, sans s'embarrasser le moins du monde de vérifications ni de règlements.

Il en va ainsi de la révolution tunisienne : celle-ci prend la voie de l'anomie dionysiaque, la démocratie est assimilée à l'anarchie, et certains se demandent déjà comment le pays va s'en sortir sans régime fort, capable de faire respecter les lois.


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Zoubeir nous convainc des avantages du bakchich à Sidi bou Saïd

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Afin de changer un peu et d'éviter les plages à touristes des environs de Sousse nous allons à Tunis aujourd'hui. Cela nous fait quatre heures de route, mais l'accueil de Leïla et Zoubeir en vaut la peine.

Après un très agréable déjeuner passé avec eux dans leur villa, nous allons découvrir avec eux la Goulette et les ports puniques (un bassin à deux entrées cachées creusé par les Phéniciens lors de la création du comptoir de Carthage) et retournons au pittoresque village de Sidi bou Saïd dont nous avions oublié le caractère très touristique.

Zoubeir fait ouvrir pour nous le jardin de la villa du baron Erlanger, en soudoyant le gardien qui nous laisse dix minutes pour prendre quelques photos.

Puis après quelques visites d'hôtels de charme sous prétexte de chercher une chambre pour plus tard, nous arrivons au café emblématique du village, très connu pour sa construction en terrasses et sa vue sur la mer.




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La poésie du sac plastique en fin de journée

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Rien de tel qu'un éclairage un peu oblique pour révéler contrastes et reliefs. La lumière devient plus douce, caressante, veloutée.

C'est dans cette lumière que se révèlent le mieux les champs d'oliviers. Les arbres s'y épanouissent en largeur, tâches vert sombre sur la terre orange finement peignée par des cultivateurs attentifs, qui s'arrangent des ponctuations vertes, roses, ou grises que les sacs plastiques transportés par le vent font sur le paysage.

Certains sont accrochés sur les troncs ou les branches basses, beaucoup préfèrent s'agrafer sur les épines des figuiers de barbarie plantés en bordure des parcelles, d'autres encore flottent librement sur le sol poussés par le vent, en quête d'une étreinte, tels des méduses terrestres placides et mélancoliques.

La lumière de la fin du jour révèle ce ballet chatoyant, qui anime d'une trace de chimie organique le vert immobile de la végétation. A contre-jour, on dirait une parure sertie de pierres précieuses.

Les champs de blé entre M'Saken et Kairouan offrent également un merveilleux spectacle grâce à ces petits bijoux fragiles, qui s'accrochent sur les tiges laissées par la moissonneuse, selon des motifs aléatoires mais toujours gracieux.

Le sac plastique moyen mettant 400 ans à se désagréger, nous sommes non seulement sûrs de conserver longtemps ce miracle fusionnel entre l'homme et la nature, mais en plus de le retrouver plus fourni et plus beau à chaque voyage.

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